NOTRE CONTRIBUTION A LA PREPARATION DIOCESAINE DU SYNODE POUR LA SYNODALITE
Vivre comme communauté et se donner des moyens de l’être
Pour les cisterciens la dimension communautaire d’une fraternité de gens qui ne se sont pas choisis est primordiale. Il y a une conscience vive que cette communauté est réunie par le don que Dieu fait aux uns et aux autres de sœurs et de frères. Ainsi a débuté Cîteaux.
Il y a la notion de se recevoir mutuellement de plus grand que nous et pas seulement de nos seuls choix individuels.
Cette communauté, il est nécessaire d’en prendre soin, pas seulement un soin qui vient d’une structure hiérarchique mais un soin afin qu’elle soit consciente de son histoire, de ce qu’elle cherche, de où elle part, pour aller où, par quel chemin afin de pouvoir ensuite regarder cette histoire en train de se faire et de pouvoir réorienter ensemble les choses. Il est nécessaire de lui donner du temps et faire récit de sa vie.
Dans notre expérience, quand une question se pose, nous commençons non pas par en débattre pour en sortir une majorité de consensus mou, nous demandons à quelqu’un de nous enseigner, de nous former afin que nous comprenions ou sont les enjeux, à quoi se relie cette question, comment la Parole l’éclaire. La communauté est sure qu’elle ne sera pas infantilisée et qu’une solution préparée en amont ne va pas sortir du chapeau de manière artificielle.
A partir de là nous travaillons en petits ateliers avec des questions. Il en sort une mise en commun d’où nous retenons les aspects les plus importants. Nous faisons le tri ensemble de ce qui est important dans les propositions. Puis nous prenons du temps pour laisser cheminer/reposer les esprits.
Dans un autre temps souvent un mois ou deux après, l’animatrice pastorale reprend ce qui est venu comme propositions/questions et aide à évaluer ce qu’il est possible, nécessaire, inutile, hors de nos moyens, ou attire l’attention qu’il y a là une question très importante pour l’avenir de la communauté et sa mission. Elle re raconte comment nous sommes arrivés à ces propositions, à partir de quelles questions, vers quoi nous cherchons à aller.
Des décisions sont soupesées, prises et votées et surtout elles sont mises en expérimentation pour donner lieu un an plus tard à une relecture et un réajustement si nécessaire. Nous nous donnons le droit à l’erreur, le droit de nous tromper mais aussi le droit d’innover ensemble.
Ce faisant tous les membres sont partie prenante, tous les membres sont actifs, tous sont écoutés et tous peuvent aider à l’évolution.
La communauté a une mémoire et son histoire se construit. Pour nous cela est de l’ordre du respect des uns et des autres et du respect pour notre corps d’église particulière.
il nous parait important de partir des personnes et du vécu commun.
Ce qui interroge quant au découpage géographique qui a eu lieu toutes ces années dans l’Eglise, où le prêtre plus tout que le peuple de Dieu, a été le critère de découpage avec le risque de tuer tout le monde, les chrétiens qui finissent par baisser les bras devant tant d’éloignement et les prêtres qui passent leur temps à courir de manière échevelée pour servir jusqu’à épuisement
le vécu des petites communautés a été complètement oublié au profit d’une structure qui comme avec l’état, s’éloigne de plus en plus. Si je fais de l’humour noir ! J’oserai dire que ainsi la hiérarchie de l’Eglise se sécularise ! hum
Les règles du vivre ensemble
Une communauté a besoin d’avoir des repères, une manière claire de fonctionner, de savoir comment se partage ou non le pouvoir. Elle a des droits et des devoirs bien sûr. Ces règles sont des manières de mettre à l’œuvre l’évangile. Chez les cisterciens la Règle de saint Benoit en est la base. Pour nous les laïcs, elle une est source d’inspiration pour que chacun ait sa place, pour que des manières d’être se mettent en place, des droits soient garantis.
Nous avons rédigé des textes qui sont nos manières de chercher Dieu, d’incarner l’Evangile, de vivre la communauté, de réguler la vie commune, d’avoir des comportements qui relèvent de la mesure, de la simplicité de vie, du respect mutuel, de la manière dont nous sommes de cette communauté, la manière dont nous entrons, la manière dont nous sortons , la manière dont nous choisissons nos responsables. Responsables qui sont élus et sont changés tous les trois ans.
Vivre la charité
Les cisterciens se sont demandés comment prendre en compte le global et le local dans un même mouvement. Chaque abbaye est autonome mais les décisions d’évolution de l’ordre se font lors du chapitre général qui a lieu tous les trois ans.
Les cisterciens ont travaillé sur la notion de Famille. Nous sommes de la même famille mais pas sur un seul modèle car chaque famille a ses coutumes propres .Il nous parait important de donner place ainsi à la diversité des peuples, des continents, des territoires. Le modèle européen n’est pas le propriétaire de l’Evangile.
Les cisterciens se sont donné des moyens dès le début pour donner place à la diversité dans l’unité. Deux documents guident cette question « le petit exorde » et surtout la « Charte de Charité » qui reconnait l’autonomie de chaque abbaye liée à la grande Famille cistercienne. C’est cette notion qui permet à des laïcs, d’être associés à la vie cistercienne
La charité n’est pas un pouvoir. Elle est au contraire se démunir pour donner place à l’autre, afin qu’il soit bien un autre et non pas un même. Dans cette charte de Charité la notion de filiation et de visite aident beaucoup à cet esprit commun. Chaque monastère est visité (une sorte d’audit) tous les deux ou trois ans par un abbé, ou une abbesse extérieurs
Chaque membre de cette communauté est reçu par le visiteur. Ce qui est dit n’est pas répété par le visiteur. Lorsqu’il a reçu tout le monde, il peut vérifier par recoupements des points divers, recevoir à nouveau pour affiner sa perception d’une question, puis ce visiteur fait une synthèse et donne à la fin à la communauté une « carte de visite » sur laquelle il souligne, les points forts, les manques, les intuitions qui lui semblent ouvrir l’avenir etc…si des questions graves se posent il les exprime bien sur. La communauté ensuite peut s’appuyer dessus pour évoluer. Sans doute que la question des abus sexuels auraient pu ainsi être entendue bien plus tôt…
Nous avons vécu deux fois cette visite en tant que communauté laïque. Elle fut faite par l’abbé de Cîteaux venu vivre parmi nous quatre à cinq jours. Ce sont des moments magnifiques qui ouvrent un groupe, une communauté à un regard extérieur. Regard extérieur qui révèle parfois des aspects que nous ne voyions pas, car trop le nez sur le guidon. Il nous parait que des communautés paroissiales pourraient vivre des temps comme celui-ci. Des temps ou chaque fidèle à la parole, est reçu, écouté, considéré. Prendre soin les uns des autres, et des plus petits passe par des temps comme celui-là.
Là encore nous ne pouvons pas faire une économie de temps. Et si finalement le bien le plus précieux que nous pourrions cultiver était de donner du temps pour permettre aux choses d’advenir. Pas un temps inerte et immuable mais un temps qui a du souffle.
Diversité unité ou global et local
Au sein même d’une communauté, d’une paroisse, divers groupes prennent des initiatives, mettent en œuvre des décisions, se réunissent. Il nous faut penser l’unité de tous ces acteurs. Comment y compris au sein de notre communauté il y a du global et du local qui sont en dialogue.
Nous avons essayé de le mettre en œuvre par le fait que chacun de nous, sait, connait, qu’elles sont les responsabilités des autres, ce qui leur a été demandé, et est témoin de la manière dont il exerce ce qui a été demandé.
Pour nous, il y a d’abord eu un oui public devant tous à une interpellation pastorale. Nous avons appelé cela « le temps du oui », puis nous avons regardé au bout de six mois quelle mise en œuvre en était faite, enfin six mois plus tard nous avons consacré un après-midi à la rencontre. Chacun à tour de rôle a rencontré chacun, pour s’interroger mutuellement sur la manière de vivre sa responsabilité et chacun a laissé à chacun un petit texte avec des encouragements, des questions, des conseils .
A la suite de cela l’animatrice pastorale a rencontré une à une les personnes. Avec eux et les messages les responsabilités ont été réajustées. Chacun a pu avant de clore ce travail, relire le texte qui le concernait et après accord, un document fut édité que nous avons appelé « le livre des OUI ». Nous nous y référons régulièrement.
Pour une paroisse cela pourrait être un moyen –à aménager bien sur- de confier des responsabilités, de vérifier que cela ne devient pas une propriété personnelle et une tyrannie que l’on exerce sur les autres paroissiens. Là encore il y a eu des relectures, et beaucoup de temps afin de se donner le temps de s’écouter et d’avancer. Ce n’est plus Mr le Curé qui se doit de réguler les conflits mais c’est la communauté qui a une parole organisée, les uns vis-à-vis des autres.
Là aussi c’est une manière d’être dans du global/local.
Le lieu
Les cisterciens ont dès le départ aimé un lieu, Cîteaux Puis à chaque création de monastère il y a cet aspect de lieu qui compte puisque chaque moine s’engage à vivre en un lieu précis dans une communauté précise. Ils appellent cela la stabilité.
St Bernard va même jusqu’à dire que Jérusalem la ville du Christ, est le lieu où habite le moine là ou il réside. C’est une belle image notre Jérusalem est un lieu symbolique.
Pour beaucoup une église, une paroisse, une communauté est son lieu. Donner se donner les moyens d’aimer son lieu. Celui où nous pouvons exister, d’où nous pouvons partir et surtout revenir même en ce temps de vaste migration.
Pour nous laïcs cistercien à Clairvaux ce lieu a de l’importance. Nous sommes propriétaire d’une ancienne grange cistercienne et ce lieu nous oblige et nous colore. Nous y sommes une toute petite présence pourtant en ce lieu de st Bernard, la prière, l’accueil, la vie fraternelle, la parole de st Bernard sont actifs et vivants. Dans la charte d’alliance signée avec l’abbaye de Cîteaux il nous est dit que nous avons la responsabilité d’être présence cistercienne à Clairvaux et d’essayer de faire rayonner la présence Bernardine au moins pour tout la famille cistercienne.
Nous proposons régulièrement des journées cisterciennes ou des personnes peuvent venir s’arrêter, se ressourcer. Sans doute que les paroisses ne doivent pas oublier la dimension nourriture spirituelle à donner aux paroissiens. Pas seulement par de la piété mais aussi de la construction de soi dans la foi. Il nous semble que la Lectio divina est une approche qui n’infantilise pas le chrétien et lui donne des outils pour grandir avec la Parole.
Enfin et ce sera le dernier point.
Chercher à devenir des chrétiens responsables de leur foi
Dans cette grande Eglise, nous sommes une petite église particulière, une sorte d’église familiale toute petite mais où nous cherchons comment être des laïcs responsables de leur foi dans un fort lien avec la grande Eglise. Au début de la Grange il y avait à chaque rencontre un moine de Cîteaux qui faisait tout,. Il y avait aussi un prêtre qui assurait une messe à chaque rencontre. Depuis nous avons beaucoup évolué, toute notre pastorale est réfléchie dans la communauté et assumée par la communauté ; De temps à autre des intervenants extérieurs interviennent.
Cîteaux assure un accompagnement des responsables. Nous apprécions cette liberté mais nous apprécions énormément de pouvoir vérifier nos intuitions et éventuellement les modifier pour rester dans la vie cistercienne, nous imprégner d’une vie cistercienne.
Nous croyons que les charismes se répandent et sont bien plus larges que les seuls instituts religieux. Nous croyons donc que le charisme cistercien est venu nous chercher pour chercher à plusieurs une forme de vie laïque cistercienne et nous nous efforçons de lui donner forme.
Nous découvrons combien croire appelle à une conversion constante pour approcher avec discrétion de la vie avec le Christ.
Nous croyons que des petites communautés pourraient être des lumières dans le désert des campagnes ;
Nous croyons que la foi est missionnaire même enfouie, ce qui ne nous empêche pas d’être engagés dans : différents groupes caritatifs, dans l’aumônerie de la prison, dans l’accompagnement des personnes, dans des EPP, dans l’animation paroissiale ou l’animation de groupe paroissiaux, d’animer des lectio dans la paroisse.
Enfin notre singularité est d’être communauté où sans vivre en permanence ensemble nous restons liés et communautaires dans notre quotidien/ comme dans nos temps communs.
Merci à vous. Pour la Grange Denise Baudran .
La vie à la Grange Saint Bernard
LITURGIE DE LA PAROLE DU DIMANCHE 25 SEPTEMBRE
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus disait aux pharisiens : « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux. Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais les chiens, eux, venaient lécher ses ulcères. Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra. Au séjour des morts, il était en proie à la torture ; levant les yeux, il vit Abraham de loin et Lazare tout près de lui. Alors il cria : ‘Père Abraham, prends pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau
pour me rafraîchir la langue, car je souffre terriblement dans cette fournaise. – Mon enfant, répondit Abraham, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie, et Lazare, le malheur pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. Et en plus de tout cela, un grand abîme a été établi entre vous et nous, pour que ceux qui voudraient passer vers vous ne le puissent pas, et que, de là-bas non plus, on ne traverse pas vers nous.’ Le riche répliqua : ‘Eh bien ! père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet, j’ai cinq frères : qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture ! ’ Abraham lui dit :‘Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! – Non, père Abraham, dit-il, mais si quelqu’un de chez les morts vient les trouver, ils se convertiront.’ Abraham répondit : ‘S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.’ »
Entre le monde de Dieu où se trouve Lazare et le monde infernal où habite désormais le riche, il y a un abîme, une distance en apparence infranchissable.
La présence d’Abraham dans cette parabole n’est pas anodine. Il a, lui, franchi cette limite quand il a répondu à l’appel de Dieu qui lui demandait de tout quitter et qu’il a renoncé à ses biens, à sa terre, à sa famille, pour vivre dans l’incertitude du chemin tracé par Dieu. Il a été le premier à vivre la charité.
Il a été lui-même un intercesseur auprès de Dieu pour réclamer le salut des justes de Sodome. Et il a obtenu gain de cause, Dieu l’a entendu, il a changé son verdict, il s’est attendri. Un passage est possible dans cet abîme.
C’est à cet intercesseur que le riche s’adresse pour être soulagé ou pour sauver ses frères. En faisant cette démarche, le riche sent confusément qu’il y a une conversion possible, un passage entre lui et Dieu.
Il demande d’envoyer Lazare auprès de lui pour le soulager ou chez les siens pour les avertir et qu’ils se convertissent et soient sauvés. C’est la figure du Christ qui est ici dessiné en creux, lui que le Père a envoyé du Ciel sur la terre pour sauver les hommes.
La réponse d’Abraham peut paraître décevante, pessimiste, même : quelqu’un pourra bien ressusciter des morts, ils ne seront pas convaincus, dit-il. Et c’est ce qui semble se produire autour de nous, l’humanité n’a pas paru convaincue par le sacrifice du Christ et par sa résurrection.
Mais ne nous laissons pas abuser par les apparences. En ressuscitant, Jésus a franchi l’abîme infranchissable, il a renversé la condamnation en grâce, le jugement en pardon et en réconciliation. Oui mais il demande à chacun de le suivre, de s’engager sur ce même chemin de la réconciliation, qui est aussi un chemin de renoncement à soi-même et à sa volonté propre, tel Abraham qui a tout quitté.
Ce qui ne sauve pas le riche de la parabole, ce n’est pas qu’il n’y avait pas de salut possible pour lui comme pour nous tous, c’est qu’il ne reconnaît pas sa dette, il ne demande pas pardon à Lazare.
Il voudrait bien qu’Abraham lui pardonne, mais lui ne se repent pas. C’est l’incapacité dans laquelle il se tient de voir sa faute et de demander pardon à celui qu’il a méprisé.
Il est incapable de voir en Lazare son prochain. Il ne voit que lui-même. Et chaque fois que nous réclamons le pardon de l’autre, sans voir notre propre faute, nous sommes dans cette position égocentrique et de séparation abyssale d’avec Dieu.
Seigneur que ta Parole illumine la démarche de remise de dettes que nous avons faite hier et qu’elle nous aide à comprendre le commandement d’amour que tu nous as donné. Amen.
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